Depuis plusieurs mois, des scientifiques essaient de comprendre comment apparaissent les variants du Covid-19. Certains se tournent vers les patients immunodéprimés, chez qui le virus peut multiplier les mutations.

Qui est le patient-zéro du variant Omicron ? Détecté pour la première fois en Afrique du Sud, ce variant B.1.1.529, de son nom scientifique, a immédiatement suscité l’inquiétude de la communauté internationale. Et pour cause : avec sa trentaine de mutations par rapport à la souche originale du Covid-19 – un record –, il fait planer deux menaces : celle d’être particulièrement contagieux et, surtout, celle d’être résistant aux vaccins.

Pendant que les États multiplient les mesures de restrictions pour tenter de limiter sa propagation, les scientifiques, eux, essaient de remonter la piste jusqu’à son origine pour comprendre comment ce variant « super mutant » a pu apparaître.

Parmi les hypothèses mises en avant, les chercheurs penchent pour des mutations apparues chez un patient immunodéprimé. Depuis plusieurs mois, ils étudient en effet un lien possible entre des personnes dont le système immunitaire est affaibli – car en attente d’une greffe, malades du cancer, ou encore atteintes d’un VIH non pris en charge – et l’émergence des variants les plus inquiétants.

« Quand un patient est immunodéprimé, le virus va rester très longtemps dans son organisme, parfois plusieurs mois, contre seulement quelques jours pour une personne lambda », explique à France 24 Morgane Bomsel, virologue au CNRS et à l’Institut Cochin, à Paris. « Ses défenses immunitaires sont trop faibles et il ne parvient pas à se débarrasser du virus. »

Pression de sélection

Selon une étude publiée dans la revue Nature Communications le 4 novembre, un homme de 58 ans atteint d’une maladie rénale et sous traitement à base de médicaments immunosuppresseurs est ainsi resté positif au Covid-19 pendant plus de six mois. En décembre 2020, des médecins américains notaient, de la même façon, le cas d’un patient sous immunosuppresseurs, mort après avoir été infecté au Covid-19 pendant 154 jours. « Or, pendant toute cette période, le virus peut accumuler toute une série de mutations et créer un variant », poursuit la virologue.

Pour rappel, le virus du Sars-CoV-2, comme tous les virus, est doté d’un patrimoine génétique qui se réplique. Mais parfois, des erreurs apparaissent dans ce processus. C’est ce qu’on appelle une mutation. Dans la majorité des cas, cela n’a aucune incidence, mais certaines peuvent modifier la contagiosité ou la dangerosité du virus. Le variant est ainsi cette nouvelle version du virus qui prend en compte ces différentes modifications.

« Chez les patients immunodéprimés, le système immunitaire ne va pas réussir à vaincre le virus, mais il va tout de même se battre contre lui. Cela va provoquer ce qu’on appelle une pression de sélection », poursuit Vincent Maréchal, professeur de virologie à l’université de la Sorbonne, contacté par France 24.

En résumé, dans cette lutte entre le système immunitaire et le virus, ce dernier va être contraint d’évoluer et ne va garder que ses mutations qui lui permettent de continuer à se reproduire et de résister. Résultat : il ne va rester que les mutations les plus dangereuses, capables d’échapper au pouvoir neutralisant des anticorps. Et c’est ce virus, avec ces mutations, qui sera transmis si le patient contamine une autre personne.

« Avec ce nombre impressionnant de mutations, il est ainsi fortement probable qu’un patient immunodéprimé soit à l’origine du variant Omicron », estime ainsi Vincent Maréchal. « Mais ce n’est pas le premier pour lequel cette hypothèse est soulevée. C’est aussi le cas pour les variants britannique et Bêta », précise Morgane Bomsel.

L’Afrique du Sud, un terreau fertile

Or, l’Afrique du Sud pourrait être un terreau fertile à ce type de processus. En cause, l’épidémie de sida. Au total, sept millions d’individus vivent avec cette maladie dans le pays, soit 12 % de la population et 19 % des 15-45 ans. Mais surtout, le taux de personnes soignées reste très faible, atteignant 57 % en 2017. « On a donc une forte proportion de personnes immunodéprimées, dans un pays avec une faible couverture vaccinale où le virus circule beaucoup », analyse Vincent Maréchal. « C’est clairement une situation où des variants peuvent apparaître. »

Ce n’est pas la première fois que le pays est le premier à détecter un nouveau variant. Avant Omicron, deux avaient pris le nom, depuis modifié, de « variants sud-africains » : le Bêta et le C.1.2. « Mais cela s’explique, en premier lieu, par le fait que le pays réalise beaucoup de séquençages, ce qui lui permet d’identifier les variants sur son territoire », nuance Vincent Maréchal. « Cela ne veut pas forcément dire que le patient zéro est en Afrique du Sud. »

Si l’origine géographique d’Omicron reste pour le moment floue – plusieurs États notamment européens recensant des cas sur leur territoire antérieurs à l’annonce de sa découverte –, un article paru dans Science le 9 septembre suggère que le variant Bêta est, lui, bel et bien apparu en Afrique du Sud.

Selon cette étude, le variant Bêta, isolé pour la première fois en octobre 2020, serait apparu chez des personnes malades du sida dans la baie Nelson-Mandela. Et le processus aurait été facilité par le manque de moyens alloués aux traitements dans cette métropole. Celle-ci figure en effet parmi les régions du monde où la concentration de personnes à la fois infectées par le VIH et privées de traitement approprié est la plus forte.

En comparant, grâce à des analyses informatiques, tous les variants de la lignée Bêta prélevés dans le monde entier, les auteurs de l’étude ont découvert que 90 % des ancêtres de ces variants provenaient d’Afrique du Sud. Le premier de la lignée était donc vraisemblablement apparu dans cette baie.

Le virus s’était ensuite propagé rapidement aux autres provinces d’Afrique du Sud, gagnant ensuite les pays voisins. En mars 2021, il est devenu le virus dominant en Afrique australe ainsi qu’à Mayotte et à La Réunion.

« Les variants peuvent apparaître partout »

Pour autant, il ne faut pas pointer du doigt l’Afrique du Sud, insiste le virologue. « Cela met avant tout en lumière ce qu’il se passe quand deux pandémies se rencontrent et la nécessité de ne pas oublier la lutte contre le sida au profit du Covid-19. »

« Mais nous avons bien vu, ces deux dernières années, que les variants peuvent apparaître partout. De la Bretagne à l’Inde, en passant par le Royaume-Uni », insiste-t-il. « De nombreux facteurs sont certainement à prendre en compte. Il y a encore beaucoup de choses sur les variants que nous ne comprenons pas. »

Alors que les recherches se poursuivent pour tenter d’élucider les mécanismes d’émergence de ces variants, le virologue lance une dernière hypothèse. « Peut-être que des variants émergent plus facilement à certains endroits en fonction des contextes socio-culturels et sanitaires », soulève-t-il. « Il faut alors identifier ces zones et mettre en place une surveillance afin de voir venir les choses. »

Source: France 24

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