L’Europe n’entend pas se retirer définitivement Mali et réfléchit à la manière d’y rester en se démarquant de la politique française mais sans heurter l’égo d’Emmanuel Macron.

Comment ne pas s’aligner systématiquement sur la position de la France au Mali tout en sauvant l’unité de façade européenne dans la crise entre Paris et Bamako ? Derrière les silences polis ou la langue de bois, la Commission de l’Union européenne cherche à avoir sa propre musique au Mali. 

Emmanuel Macron renvoyé dans ses buts

A la veille du 5 ème Sommet Union européenne-Union africaine organisé en février dernier à Bruxelles, le président français Emmanuel Macron avait solennellement annoncé à Paris le retrait de Barkhane et de la force européenne Takuba du Mali. Ni le président du Conseil européen Louis Michel ni la présidente de la Commission Ursula Von Der Lyen n’avaient repris l’argumentaire de Macron et ses charges contre la junte militaire malienne. A mesure que se sont dégradées les relations entre la France et le Mali, le malaise de l’Union européenne n’a cessé de grandir. La France a retiré son contingent de la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM, en anglais), tout comme ses ressortissants de la mission européenne Eucap Sahel-Mali ainsi que ses fonctionnaires présents dans le pays au titre de la coopération bilatérale. Ces mesures, ajoutées aux coups de menton hasardeux de Macron et de son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian contre la junte malienne, ont alimenté le rejet de la présence française au Mali d’abord et ensuite dans le reste du sahel, notamment au Burkina Faso, au Niger et même au Tchad. Aidée par des erreurs successives et répétées de la France, la junte malienne a réussi à chauffer à blanc son opinion publique contre la présence militaire française, convoquant pêle-mêle le nationalisme, la résistance au néo-colonialisme et la nécessité de trouver un nouveau partenaire plus efficace dans la lutte contre le terrorisme le terrorisme. A en juger par les tentatives d’incendies des emprises diplomatiques françaises au Burkina Faso lors du coup d’Etat du capitaine Ibrahim Traoré et la manifestation anti-Barkhane du 21 septembre dernier à Niamey, le rejet de la présence française au Sahel est désormais vaste et profond. 

Rester au Mali 

L’Union européenne ne veut surtout pas être mise dans le même sac que la France. C’est un rejet de la France et non des 26 autres européens. Alors que plus aucun dirigeant français ne parle directement avec les militaires au pouvoir à Bamako, les canaux de discussions et d’échanges avec la Commission européenne sont maintenus. Signe de sa volonté de se démarquer de Paris, l’Union européenne n’a toujours pas mis fin à l’EUTM, sa mission de formation de l’armée malienne. Elle n’a pas non plus retiré le Mali du programme GARSI Sahel, destiné à former des unités de la gendarmerie nationale des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) et du Sénégal à la lutte antiterroriste. A Bruxelles, la thèse d’une impossibilité de lutter contre le terrorisme au Sahel sans le Mali prospère, le pays étant devenu l’épicentre des activités dans la région du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et de l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS).  

Plusieurs pays européens dont l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ne veulent en effet pas payer « pour les erreurs de la France au Sahel ». Ils ne veulent pas suivre les yeux fermés la volonté de la France de punir la junte malienne. Dans le contexte international actuel marqué par la guerre en Ukraine, l’Europe ne veut surtout pas laisser le sentiment d’abandon dans les opinions publiques sahéliennes. 

Précédent syrien 

En réalité, le débat n’est plus désormais tant de savoir si l’Europe doit rester au Mali mais comment elle entend y rester. Au nom du pragmatisme et de l’efficacité, la tendance majoritaire dans l’Union européenne reste de ne pas quitter forcément le Mali mais d’y rester dans des cloisons étanches qui protègent de tout contact avec les Russes. Une cohabitation déjà expérimentée lors de la guerre contre l’Etat islamique en Syrie. Reste maintenant à trouver les arguments pour convaincre Marcon et à mettre la forme pour éviter que le choix de ne pas partir du Mali ne sonne pas à Paris comme un désaveu des autres pays européens.  

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