Experts, scientifiques et organisations environnementales attendent des engagements encore plus précis sur la limitation des émissions de CO2.
La COP26 sur le climat peut-elle encore être sauvée ? A quelques heures de la fin de ce sommet, souvent présenté comme celui de la « dernière chance » face aux effets ravageurs du réchauffement climatique, le premier brouillon de la déclaration finale n’a pas convaincu. Ni la mobilisation d’un minimum de 100 milliards de dollars par an à destination des pays les pauvres – une promesse qui aurait déjà dû être réalisée – ni le rappel d’un objectif « zéro carbone » d’ici 2050 ne suffisent pour l’instant aux yeux des observateurs. L’accord surprise Etats-Unis-Chine, s’il reste une bonne nouvelle dans le contexte géopolitique actuel, demeure imprécis dans sa mise en action.
Actuellement, les plans nationaux conduiraient à une augmentation de la température du globe à hauteur de 2,4°C d’ici à 2100 par rapport aux niveaux préindustriels selon une étude récemment publiée par l’organisme Climate Action Tracker. L’ONU l’estimait avant la conférence à +2,7°C, contre 1,1°C actuellement.
Financements : le compte n’y est pas
Que manque-t-il ? Jeudi, 200 climatologues ont appelé dans une lettre ouverte à aller plus loin pour limiter « bien en deçà » de 2°C le réchauffement climatique. « Nous ne pouvons pas nous contenter du plus bas. J’appelle tous les pays à accroître leur ambition en matière d’atténuation, d’adaptation et de financement », a déclaré le secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres.
A l’image des ONG Care ou encore Oxfam France, Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris en 2015, estime également que des efforts sont encore à fournir, avant tout sur cette question financière. « Rien n’est dit sur comment compenser le manque à gagner pour les pays en développement, alors que les pays développés ne parviendront pas à mobiliser à temps les 100 milliards de dollars [87 milliards d’euros] par an sur lesquels ils s’étaient engagés. Et les textes sont faibles sur comment aider les pays du Sud à s’adapter au changement climatique », explique-t-elle au journal Le Monde.
Selon un projet de rapport du GIEC, consulté par l’AFP, d’ici 2050, les financements nécessaires pour l’adaptation pourraient ainsi atteindre 1000 milliards de dollars par an dans certains scénarios d’émissions. Dans un monde à +2°C, les coûts d’adaptation pour l’Afrique seule pourraient augmenter de « dizaines de milliards » chaque année. Les 10% les plus riches de la population mondiale émettent près de 48% des émissions de gaz à effet de serre, a enfin souligné jeudi la Commission indépendante pour la réforme de l’impôt international (ICRICT), groupe de réflexion dont font partie des économistes de renom, qui demande plus d’engagements financiers venant des pays riches pour le climat.
Echéances à renforcer
Actuellement, la COP26 reconnaît la nécessité de diminuer de 45% leurs niveaux d’émissions de CO2 par rapport à 2010 « d’ici 2030 ». Et bien entendu, l’urgence d’une neutralité carbone vers le milieu du siècle. Mais le texte, encore au stade de brouillon, reste peu contraignant. Et surtout, il n’oblige pas chaque état à repenser ses plans climatiques très vite pour se plier à ces objectifs.
Cette question des énergies fossiles est particulièrement contentieuse, notamment pour les pays producteurs ou certains pays dépendants de ces ressources pour leur production d’énergie. Ces énergies, pourtant première source des émissions de gaz à effet de serre ne sont par exemple même pas mentionnées dans l’accord de Paris. D’autant que les systèmes de captation du carbone pour réduire les taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère sont mis en avant pour réduire le réchauffement climatique mais peinent à convaincre les écologistes.
Christiana Figueres, ancienne cheffe du climat auprès des Nations Unies, Laurence Tubiana et l’ancien ministre et président de la COP21 parisienne, Laurent Fabius, ont appuyé, auprès du Guardian, sur la nécessité de réviser les plans nationaux pour le climat de chaque pays, dès 2022. « C’est d’une importance cruciale. Nous avons besoin de beaucoup plus d’urgence, car c’est la décennie critique. Nous devons revenir l’année prochaine. Nous ne pouvons pas attendre cinq ans pour de nouvelles CDN », a poursuivi Christiana Figueres. Une des clauses de la déclaration finale pourrait les y obliger, espèrent-ils. Ce n’est pour le moment pas envisagé. Selon le nouveau projet de texte mis en ligne ce vendredi, les Etats membres sont appelés à relever leurs engagements de réduction d’émissions plus régulièrement que prévu dans l’accord de Paris, et ce dès 2022. Mais la Chine a déjà menacé de bloquer un accord si cette mention est maintenue. Par rapport à une première version du texte, ce nouveau projet ajoute cependant que cette révision doit être faite « en prenant en compte les circonstances nationales particulières », ouvrant la voie à des aménagements pour certains pays.
Energies fossiles : un combat perdu d’avance ?
Pour rappel, le Giec préconise de diviser par deux les émissions de gaz à effets de serre (principalement CO2 et méthane) d’ici 2030. Pour cela, les énergies fossiles doivent être abandonnées le plus rapidement possible. Antonio Guterres a d’ailleurs dénoncé jeudi « les promesses qui sonnent creux quand l’industrie des énergies fossiles continue de recevoir des milliers de milliards de subventions (…) ou quand des pays continuent à construire des centrales à charbon ».
Or, une des rares satisfactions du premier brouillon présenté mercredi, l’exhortation à la « suppression progressive du charbon et des subventions aux combustibles fossiles » a été adoucie dans une nouvelle version, rendue publique ce vendredi. Les participants à la COP26 étant seulement « invités » à limiter les financements « inefficaces » aux énergies fossiles et à accélérer la sortie de l’utilisation du charbon « sans système de capture » carbone. Une étude de l’ONG Global Witness, repérée par Mediapart, révèle que 503 lobbyistes des énergies fossiles ont été accrédités à la COP26 de Glasgow.
Source: L’express