Le 24 août 2011, Apple annonçait dans un communiqué de presse la démission de Steve Jobs de son rôle de CEO. Sur ses recommandations, Tim Cook, ancien responsable des opérations, prenait sa succession. À l’occasion des 10 ans de cette date historique, nous vous proposons de revenir sur la première décennie de Tim Cook à la tête d’Apple.
Sommaire interactif :
Introduction
- Une gestion plus comptable d’Apple
- Des débuts timides à l’incarnation d’Apple
- L’affaire du FBI : le début de la guerre pour la vie privée
- Apple Watch, Apple Park et plein d’acquisitions
- Tim Cook a lancé Apple dans les services
- Une entreprise plus inclusive
- Les Apple Store en plein chantier
- Apple rentre en politique
- Apple n’a jamais eu autant d’ennemis
- La voiture, le futur d’Apple ?
- Conclusion
Au moment de laisser les règnes d’Apple à Tim Cook, on raconte que Steve Jobs lui a ordonné de ne « jamais se demander ce qu’il aurait fait à sa place ». Une conversation confirmée par Tim Cook lors d’une interview au Washingon Post, qui considère les propos de Steve Jobs comme « le plus grand cadeau qu’il aurait pu lui faire ». Libéré du poids de celui qui devait continuer le travail du cofondateur d’Apple, Tim Cook a pu modeler l’entreprise à sa façon, en étant « lui-même ».
Dix ans plus tard, Apple a beaucoup changé, mais a réussi à conserver le petit plus qui en fait une marque à part. Dix ans après le 24 août 2011, date à laquelle Apple annonçait par communiqué de presse la fin de l’ère Steve Jobs, nous avons souhaité réfléchir aux 10 principaux changements initiés par Tim Cook en cette première décennie de travail.
1) Une gestion plus comptable d’Apple
S’il y a bien une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que Tim Cook s’en est particulièrement bien sorti. En 2011, peu de gens imaginaient Apple sans son emblématique cofondateur. L’ancien directeur des opérations a vu Apple devenir la plus grande entreprise du monde et se diversifier dans de nouveaux secteurs tout en restant l’entreprise tech la plus inspirante. On dit qu’il est souvent impossible de succéder au cofondateur d’une entreprise sans la faire rétrograder… Tim Cook a prouvé le contraire.
Il faut dire qu’en tant qu’ex-directeur des opérations, Tim Cook n’est pas le visionnaire qu’était Steve Jobs. Plus porté sur les chiffres, le CEO d’Apple a dirigé l’entreprise en laissant la partie créative aux équipes que supervisait autrefois Jobs. Certains trouvent cette nouvelle gestion ennuyeuse (reconnaissons qu’Apple 2011-2021 innove moins qu’Apple 1996-2011), il faut néanmoins reconnaître qu’elle est diablement efficace. La valorisation d’Apple n’a jamais cessé de croître, atteint presque les 2.500 milliards de dollars (contre 345 milliards au plus haut de l’ère Jobs) et l’entreprise semble toujours sur une pente croissante, comme si rien ne pouvait l’arrêter.
Finalement, Tim Cook a fait du rôle de CEO chez Apple un vrai rôle de CEO, là où Steve Jobs usait surtout de son charisme et de sa vision pour dicter à ses équipes la voie qu’il fallait emprunter tout en séduisant les consommateurs. La dernière intuition de Steve Jobs était la bonne : pour aider Apple à se développer, le profil de Tim Cook était le bon.
2) Des débuts timides à l’incarnation d’Apple
Le 4 octobre 2011, Tim Cook animait sa première keynote à l’occasion de la présentation de l’iPhone 4S et de Siri. Hasard du calendrier, le lendemain, Steve Jobs décédait (une place « Reserved » lui était attribuée au premier rang de la keynote de Cook, elle est restée inoccupée). Tim Cook connaissait l’état de son prédécesseur au moment de la présentation mais, bien entendu, n’a rien dit.
Lors de sa première keynote, Tim Cook était apparu très mal à l’aise. Timide face aux journalistes, pas très enthousiaste, le patron d’Apple n’avait clairement pas l’aura de Jobs. Avec le temps, Tim Cook a toutefois prouvé qu’il était à la hauteur. Adopté par les fans de la marque, le patron d’Apple a réussi à se mettre dans la lumière. Il anime désormais les présentations avec humour, apparaît dans des sketches, parle régulièrement dans des médias et a su incarner Apple avec brio sans tenter d’imiter son prédécesseur. On se souvient notamment de sa participation au Carpool Karaoke de James Corden où Tim Cook n’a pas hésité à pousser la chansonnette.
3) L’affaire du FBI : la vie privée au cœur d’Apple
En 2016, à la suite d’un attentat à San Bernardino en Californie, le FBI demande à Apple de déverrouiller l’iPhone 5C d’un terroriste. Une demande anodine pour les autorités américaines qui, sans le savoir, ont permis à Tim Cook d’enfin sortir de l’ombre de son prédécesseur. Pour la première fois, celui qui avait l’habitude d’être un patron discret décide de s’opposer publiquement aux autorités. À la une du célèbre Time Magazine, Tim Cook explique qu’il ne peut pas donner une clé de déverrouillage au FBI au risque de créer une vulnérabilité pour tous les utilisateurs d’iPhone. Un choix courageux qui lui vaut de très nombreuses critiques aux États-Unis, mais lui permet surtout d’affirmer son autorité.
À la suite de cette affaire, Apple a entamé un virage. Longtemps allié de Google et de Facebook, l’entreprise change de discours et décide de devenir « l’entreprise qui respecte la vie privée de ses utilisateurs ». La communication d’Apple tournera désormais beaucoup autour de cet aspect, avec des mises à jour d’iOS et macOS introduisant nombre de nouveautés allant dans ce sens (contrôle des permissions des applis, impossibilité pour un programme de vous traquer, chiffrement de bout en bout, etc.). Grâce à cette affaire, Tim Cook a trouvé de quoi marquer l’histoire d’Apple : il est celui qui a dit non au FBI.
4) Apple Watch, Apple Park et plein d’acquisitions
De son retour à Apple en 1996 à sa démission en 2011, Steve Jobs a lancé de nouvelles catégories de produits. Il y a eu l’iMac, l’iBook, l’iPod, l’iPhone puis l’iPad. À l’exception du baladeur, toutes ces gammes existent encore aujourd’hui et ont beaucoup évolué. Tim Cook n’a pas autant tenté de changer la technologie que son prédécesseur, mais, malgré tout, a permis à Apple de rentrer sur un nouveau marché : celui des montres connectées.
Avec l’Apple Watch, Apple a d’abord souhaité s’attaquer à l’univers du sport et à la mode avant de tenter de révolutionner la santé. La montre d’Apple est aujourd’hui considérée par beaucoup comme la meilleure des montres connectées et prouve que Tim Cook sait lui aussi innover. Il est aussi le patron d’Apple qui a vu le lancement des écouteurs AirPods, un des plus grands succès de la décennie. Sous sa présidence, Apple a aussi déménagé vers l’Apple Park, l’impressionnant campus voulu par Steve Jobs, et initié sa transition d’Intel vers ses propres processeurs Apple Silicon.
S’il est dur de résumer 10 ans de nouveautés en quelques lignes, Tim Cook est aussi un patron très porté sur le rachat de start-ups. Apple a acquis de très nombreuses petites entreprises, souvent dans la discrétion, mais aussi de plus grosses. Beats (2014, 3 milliards de dollars, le plus gros rachat de l’histoire d’Apple) et Shazam (2017, 400 millions de dollars) en font partie.
5) Tim Cook a lancé Apple dans les services
Sur le papier, c’est Steve Jobs qui a lancé les premiers services Apple. Avec iCloud en juin 2011, lors de sa dernière keynote, le cofondateur d’Apple est celui qui a initié le virage de son entreprise vers le nuage (même si .mac et MobileMe existaient auparavant avec de plus petites ambitions). Plus tard, Tim Cook est allé beaucoup plus loin en transformant véritablement l’entreprise.
Entre Apple Music, Apple TV+, Apple News, Apple Arcade, Apple Fitness+, Apple Pay et l’Apple Card, Tim Cook mise sur les services gratuits ou payants pour fidéliser la clientèle d’Apple et renforcer l’écosystème. Au second semestre 2021, les services ont rapporté 17,5 milliards de dollars à l’entreprise, soit 20% de ses revenus totaux. L’arrivée récente du bundle Apple One, qui permet d’accéder à tous les services Apple avec un seul abonnement, illustre bien la stratégie ultime du constructeur californien sous Tim Cook.
6) Une entreprise plus inclusive
Il y a 10 ans, Apple ne donnait la parole qu’à une toute petite liste de vice-présidents. Parmi ces fidèles de Steve Jobs, seuls Craig Federighi et Eddy Cue sont encore régulièrement mis en avant aujourd’hui. L’équipe a particulièrement évolué et, surtout, Apple s’est élargi. Il devait y avoir quatre à cinq intervenants par keynote à l’époque, il y en a aujourd’hui plus de dix. Apple met la diversité en avant et tente de faire parler beaucoup plus de femmes et de cadres issus de minorités. Sans énormément changer ses équipes (la plupart des nouveaux intervenants étaient déjà là avant), l’Apple de Tim Cook met d’autres profils en avant.
Sous Tim Cook, il y a aussi eu d’importants départs. Un an après son arrivée, Apple s’est séparé de l’emblématique Scott Forstall, un des bras droits de Steve Jobs à qui il a été reproché beaucoup de choses, notamment l’échec du lancement de Plans. Plus tard, Jonathan Ive, le célèbre designer de Cupertino, a aussi décidé de quitter Apple pour lancer sa propre entreprise. Phil Schiller, toujours chez Apple officiellement, n’a plus de rôle officiel et semble surtout officier en tant que consultant.
7) Les Apple Store en plein chantier
Sous Tim Cook, Apple a aussi tenté de révolutionner ses Apple Store. Pour y parvenir, la marque a débauché Angela Ahrendts, ex-patronne de Burberry. Les magasins de la marque, qui ont perdu leur qualificatif « Store », se sont inspirés des boutiques de luxe et ont tenté de se réinventer (Angela Ahrendts imaginait des villages dans lesquels on sa balade plutôt que des petits magasins où l’on vient pour acheter/découvrir des produits). Les Genius Bar ont été remplacés par un service client mobile (souvent critiqué) et Apple a aussi fermé son magasin virtuel pour intégrer la vente de produits directement à son site, mettant fin à la page regroupant tous les produits en vente.
Ici, Tim Cook a peut-être échoué. Cinq ans après son arrivée chez Apple, Angela Ahrendts a quitté l’entreprise et laissé Apple dans une drôle de situation. La crise du Covid-19 a mis en suspens l’évolution des Apple Store et réintroduit le magasin en ligne supprimé par l’ancienne vice-présidente de la marque. Ce point sera à surveiller dans les prochaines années : Apple, avec sa taille actuelle, peut-il proposer une aussi bonne expérience qu’autrefois à ses clients ?
8) Apple rentre en politique
Tim Cook est un patron beaucoup plus politique que Steve Jobs. Très discret d’un point de vue personnel (bien qu’il ait effectué son coming-out pour passer un message à la communauté LGBT), l’homme a engagé Apple dans de nombreux combats. Tim Cook a souvent pris parti sur Twitter pour annoncer des aides financières, dénoncer son effroi face à des événements et, plus étrangement, a même participé à des réunions politiques. On se souvient notamment de la présentation du nouveau Mac Pro « Made in the USA » avec Donald Trump, qui disait affectionner beaucoup le patron d’Apple (la réciproque n’a jamais semblé très vraie).
Ce virage politique ne plaît pas à tout le monde. En plus d’engager Apple sur des secteurs dangereux, certains reprochent à l’entreprise son double discours avec certains États. En Chine par exemple, Apple est accusé d’être trop complaisant avec le gouvernement (de applications qui gênaient la Chine ont été supprimées de l’App Store et les données des utilisateurs chinois sont stockées sur des serveurs dédiés). Tim Cook joue un jeu dangereux avec certains pays pour imposer Apple sur ces marchés.
9) Apple n’a jamais eu autant d’ennemis
Indirectement, Tim Cook a aussi fait d’Apple une cible. L’insolente croissance de l’entreprise a énervé beaucoup de monde. Sans pouvoir tous les lister, on pense notamment à Epic Games (en plein procès contre Apple), Spotify (qui reproche à Apple de vouloir prélever 30% de ses abonnements, comme de nombreux autres développeurs) ou Facebook, particulièrement remonté par les pratiques anti-publicitaires d’Apple. Les autorités du monde entier accusent aussi le géant d’abus de position dominante. Sous Tim Cook, Apple a d’ailleurs été condamné à de nombreuses reprises, dont une amende record de 13 milliards d’euros infligée par la Commission européenne.
10) La voiture, le futur d’Apple ?
Enfin, finissons cet article résumé des 10 premières années de Tim Cook en évoquant… ce que Tim Cook n’a pas fait.
Depuis son arrivée chez Apple, le « projet Titan » fait régulièrement l’actualité. S’il s’agissait au départ, selon les rumeurs, d’un véhicule automobile construit par Apple, ce projet est rapidement devenu plus mystérieux. On a ensuite parlé d’un logiciel de conduite autonome à destination d’autres constructeurs… avant de finalement revenir à l’idée d’une vraie voiture Apple Car. Elon Musk a aussi indiqué avoir voulu vendre Tesla à Apple sans y être parvenu, malgré l’intérêt d’Apple pour ce secteur.
En interview, Tim Cook confirme ouvertement s’interroger sur l’automobile, recruter des ingénieurs, mais ne dit pas pourquoi. Ce chantier devrait normalement aboutir lors de la prochaine décennie, avec un potentiel virage automobile qu’il est difficile d’imaginer pour l’instant.
A découvrir aussi en vidéo :
À quoi ressemblera Apple dans dix ans ?
Cette décennie Tim Cook était-elle unique ? C’est en tout cas ce que semble dire l’intéressé lui-même qui, dans une interview au New York Times, a récemment indiqué qu’il ne sera plus à la tête d’Apple dans dix ans. Dans les prochaines années, il est fort probable que l’actuel CEO d’Apple entame, comme Steve Jobs a pu le faire il y a 10 ans, sa succession. Le nom de Jeff Williams, actuel directeur des opérations d’Apple, est régulièrement mentionné dans la presse. Qui de mieux qu’un homme de chiffres pour remplacer un homme de chiffres ?
Le 5 octobre 2021, Apple fêtera un dixième anniversaire plus triste, celui de la mort de Steve Jobs. On imagine que l’entreprise compte honorer son créateur.
Source 01net.com