L’animateur d’une émission télévisée censée dénoncer le viol a été condamné, mercredi, par un tribunal d’Abidjan, à 12 mois de prison avec sursis pour « apologie du viol » et « atteinte à la pudeur » ainsi qu’à une amende. Diffuse à une heure de grande écoute, le programme avait suscité l’indignation en Côte d’Ivoire.
Un animateur d’une télévision ivoirienne qui avait suscité l’indignation pour avoir invité un ex-violeur à expliquer comment il abusait de ses victimes, a été condamné, mercredi 1er septembre, à Abidjan, à 12 mois de prison avec sursis pour « apologie du viol » et « atteinte à la pudeur ».
Deux jours après l’émission, l’animateur, Yves de M’Bella, et un homme condamné pour viol, Kader Traoré, ont dans un premier temps été entendus par la police avant d’être déférés en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel d’Abidjan.
Outre les 12 mois avec sursis, Yves de M’Bella a également été condamné à deux millions de FCFA (3 000 euros) d’amende et s’est vu signifier l’interdiction de quitter Abidjan.
Kader Traoré, qui avait déjà été condamné par le passé pour viol et coups et blessures, a écopé lui de 24 mois de prison ferme et 500 000 FCFA (750 euros) d’amende pour les mêmes motifs. Son avocat a décidé de faire appel.
Interrogée par l’AFP après le verdict, Bénédicte Joan, présidente de l’association Stop au chat noir qui vient en aide aux victimes de viol, a reconnu qu’il « y a eu un effort louable de la justice qui a agi rapidement », mais elle a regretté le sursis pour Yves de M’Bella « qui n’ira pas en prison », ainsi que le faible montant de l’amende.
Elle aurait en outre souhaité que soit ordonné le versement « de dommages et intérêts » aux associations de défense des droits de la femme et d’aide aux victimes de violences sexuelles.
« Écœurant, inadmissible »
Lundi soir à une heure de grande écoute et en public, Yves de M’Bella avait invité dans son émission sur la Nouvelle chaîne ivoirienne (NCI, télévision privée) – censée dénoncer le viol – Kader Traoré à qui il a demandé d’expliquer comment il s’y prenait pour abuser de ses victimes en s’aidant d’un mannequin.
Il l’avait même aidé à allonger le mannequin sur le sol, l’incitant à montrer les gestes qu’il faisait, le tout accompagné de rires et de commentaires déplacés, lui demandant ensuite ses « conseils » pour qu’une femme ne se fasse pas violer.
Cette émission avait immédiatement suscité l’indignation de personnalités, d’anonymes et de victimes de viol qui réclamaient des sanctions contre l’animateur et sa chaîne.
Deux jours plus tard, l’indignation restait intacte et une pétition lancée lundi soir par Désirée Dénéo, secrétaire générale de la Ligue ivoirienne des droits des femmes, pour dénoncer les faits et réclamer des sanctions, avait récolté mercredi plus de 46 500 signatures.
La Haute Autorité de communication audiovisuelle (Haca) avait dès mardi suspendu Yves de M’Bella pendant 30 jours de toutes les antennes et télévisions de Côte d’Ivoire.
« Les gens voient des choses à la télé et les reproduisent »
Le comité d’organisation du concours Miss Côte d’Ivoire, qui a lieu samedi, a en outre décidé qu’il n’animerait pas la soirée comme initialement prévu.
Une dizaine de femmes se sont rassemblées, mercredi matin, devant le siège de la NCI, à Abidjan, pour dire « Non à la banalisation du viol à la télévision ». « C’est une chaîne très suivie dans un pays où le taux d’analphabétisme est élevé. Les gens voient des choses à la télé et les reproduisent », a estimé Fatim Sylla, blogueuse et membre de l’association d’aide au développement des femmes et des enfants Allo Bénévoles. « Alors utilisons la télévision pour éduquer ».