Les réactions se multipliaient, mercredi, au lendemain du décès de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré. Alors que certains évoquent « l’un des bourreaux les plus sanguinaires », d’autres s’interrogent sur les circonstances de sa mort. Le Tchad ne lui rendra aucun hommage officiel en raison de ses condamnations.

Au lendemain de la mort, mardi 24 août, d’Hissène Habré, les réactions se multiplient, aussi bien sur la personnalité de l’ancien dictateur tchadien, que sur les circonstances de son décès.

Les autorités sénégalaises ont écarté l’hypothèse que celui-ci ait été contaminé par le Covid-19 en prison, anticipant le reproche d’être restées sourdes aux instances de ses proches.

La femme et l’entourage de Hissène Habré invoquaient depuis des mois les dangers du Covid-19 pour presser le Sénégal de le laisser sortir de prison. L’ex-dictateur a fini par succomber à la maladie à l’âge de 79 ans, mardi matin, dans un hôpital public, où il avait été transféré après un passage par une clinique privée. 

Hissène Habré purgeait à la prison du cap Manuel, à Dakar, une peine d’emprisonnement à perpétuité, à la suite d’une condamnation en 2016 pour crimes contre l’humanité par une juridiction africaine.

« Fiers de la façon dont nous avons accueilli Habré »

Placé sous garde pénitentiaire chez lui à Dakar, Hissène Habré avait regagné sa cellule au terme de 60 jours. La justice avait, en avril 2021, refusé une nouvelle demande de libération.

Fin juillet, son épouse Fatimé Raymonne Habré demandait dans une lettre le soutien des organisations des droits humains en décrivant son mari comme souffrant de diabète, d’hypertension et d’épuisement.

Des personnalités de la société civile s’étaient récemment exprimées pour un régime moins rigoureux, comme le défenseur des droits humains, Alioune Tine, favorable à une permission de sortie.

« On aurait pu éviter (sa mort) en le libérant et en le laissant juste à la maison pour des soins médicaux. Mais malheureusement l’État sénégalais n’a pas réagi, et malheureusement les dirigeants africains n’ont pas réagi », a dit à l’AFP Kelley Chidi Djorkodei, qui s’est présenté comme l’un de ses neveux parmi des Tchadiens venus devant l’hôpital où Hissène Habré est décédé.

De son côté, l’administration pénitentiaire s’est dédouanée. Depuis le début de la pandémie, aucun cas de contamination n’a été enregistré dans les prisons de Dakar et les tests effectués sur les gardiens à la prison du cap Manuel sont revenus négatifs, a-t-elle assuré.

« Nous devons tous être fiers de la façon dont nous avons accueilli Habré », a assuré le ministre de la Justice. « Là où il est, il sait que le Sénégal a été à la hauteur de la Téranga », la tradition d’hospitalité sénégalaise, a-t-il ajouté.

Les plus proches de Hissène Habré ne se sont pas exprimés publiquement. La clinique privée où il avait été admis n’a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l’AFP.

« Un des bourreaux les plus sanguinaires »

Avec Hissène Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, « c’est un des bourreaux les plus sanguinaires de l’histoire de l’humanité qui vient de disparaître », a réagi auprès de l’AFP l’un des avocats des victimes, William Bourdon.

Hissène Habré laisse au Tchad l’image d’un chef de guerre et grand patriote qui a cherché à consolider le jeune État, mais dont la présidence reste entachée par une féroce répression. Elle aura aussi été marquée par la confrontation, avec le soutien de la France et des États-Unis, avec les forces libyennes de Mouammar Kadhafi.

L’actuel numéro un tchadien, Mahamat Idriss Déby, fils d’Idriss Déby Itno, qui renversa Hissène Habré en 1990 pour diriger le pays d’une main de fer pendant 30 ans, a présenté ses « sincères condoléances à sa famille et au peuple tchadien ». « À Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons », a-t-il dit sur Twitter.

Ayant appris ce matin, le décès brusque de l’ancien Président Hissein Habré, j’adresse mes sincères condoléances à sa famille et au peuple tchadien. A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.

Mahamat Idriss Deby Itno (@GmahamatIdi) 

Les premières réactions officielles tchadiennes saluaient davantage l’homme d’État qu’elles n’évoquaient ses méfaits.

Le lieu de son inhumation reste à déterminer. Le Tchad ne s’opposera pas au rapatriement de la dépouille, mais « ne lui rendra aucun hommage officiel en raison de ses condamnations et par respect pour ses victimes », a déclaré à l’AFP Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement.

La famille n’a pas exprimé publiquement ses volontés. Un diplomate s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a souligné que la décision impliquait le Sénégal et éventuellement l’Union africaine pour son engagement dans le procès de Hissène Habré.

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