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Le pouvoir de transition a mobilisé, le vendredi dernier à Bamako, plusieurs milliers de personnes, essentiellement pour clacher la France néocoloniale. Une mobilisation monstre qui traduit un état de grâce au lendemain gros de défis.
Pour de nombreux observateurs, les manifestations grandioses du week-end dernier ont été le couronnement d’un état de grâce pour les autorités de la Transition malienne. Elles ont simplement servi à assurer une forme de «légitimité » pour ceux qui dirigent le Mali, depuis le renversement du pouvoir légal d’Ibrahim Boubacar Kéita, le 18 août 2020. Surtout ceux qui se sont proclamés les rectificateurs de la Transition, les patriotes ou encore les refondateurs du nouveau Mali. Soit !
Seulement, cette démonstration de popularité n’avait qu’un seul dénominateur commun : dire à la France colonisatrice et paternaliste que les Maliens en ont assez ! Assez des tergiversations dans l’appui à la sortie de la crise sécuritaire que vit le pays depuis 2021. Et sur ce plan, presque tous les Africains sont unanimes pour dire à Paris un vibrant « peut-mieux faire ». Même si le Mali et, au-delà le Sahel doit faire une introspection pour une certaine auto flagellation. Emmanuel Macron n’a-t-il pas expliqué qu’avec l’appui libérateur de la force Serval, c’est à l’Etat malien de déployer son outil de défense et de sécurité pour occuper les zones « nettoyées » ? Ce n’est donc pas aux forces étrangères de se constituer en administration et services sociaux de base pour administrer et viabiliser ces immenses localités précédemment infectées…
Pour revenir à ces manifestations, il va sans dire que le Président Assimi Goïta et le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maiga en tirent divers lauriers. Une sorte de remontant moral qui peut envoyer dans les nuages souvent trompeurs de l’homme public. « Le peuple est majoritairement derrière nous », devraient-ils ressasser à souhait dans leurs salons feutrés à la vue de ces images portant sur des marées humaines d’inconditionnels. Plusieurs centaines de ces manifestants, dont certains juraient être prêts à mourir pour les dirigeants du moment, sont euphoriques et sûrs du lendemain meilleur pour leur pays. Il s’en suit que le duo Assimi-Choguel sont devenus des héros du jour. Un aussi grand espoir est fondé sur ces premiers responsables du pays. Cela fera que les cris de sirènes ainsi entamés peuvent s’intensifier dans les jours à venir, en particulier le bis repetita promis le 19 novembre où « la France sera arrêtée », à en croire Adama Diarra dit Ben le Cerveau, l’un des jeunes leaders du M5-RFP, le mouvement tombeur d’IBK.
Avec le temps, ces milliers de personnes en liesses aujourd’hui, comme tout peuple auquel un lendemain meilleur est promis, s’interrogeront sur ce que le pouvoir a concrètement fait, depuis son installation. Combien de localités ont été reconquises des mains des forces obscurantistes ? Quelles denrées ont vu leur prix baisser sur le marché ? Combien de kilomètres de routes ont réaménagées ? Quelles solutions concrètes ont été apportées aux problèmes de l’eau potable ? Quelles mesures ont été prises pour assurer une école apaisée pour tous les citoyens en particulier pour les pauvres ? Quid des délestages du courant électrique ? Quel apport à l’accessibilité des soins de santé ? Quel effort le gouvernement aura-t-il fait pour limiter les grèves, en particulier celle des secteurs vitaux comme les banques et établissements financiers ? Etc.
En clair, ce sera alors l’heure du bilan et la bulle dans laquelle Assimi Goïta et Choguel Maïga sont aujourd’hui pourrait s’évanouir par l’effet du vent. Les gouvernants doivent-ils oublier que le même peuple qui t’adule la veille peut se révéler être le moteur de la diabolisation du lendemain ? Feu le président ATT avait été considéré comme un dieu au Mali, mais à compter du 22 mars 2012, les observateurs ont failli penser que ce n’était pas le même « soldat de la démocratie », « chantre du consensus politique » ! Quant à IBK, il a été plébiscité en aout 2013, puis réélu en août 2018, avec quelques récriminations. Mais, en septembre 2020, la simple invocation de son nom était considérée comme une trahison contre le Mali. C’est au point que l’un des plus influents Premiers ministres d’IBK, Soumeylou Boubèye Maïga, est aujourd’hui en prison comme présumé délinquant financier !…
Quel avenir immédiat pour le Mali d’aujourd’hui, dont une frange importante de la population est dans les cris de sirène de soutien aux gouvernants ? Et gare aux voix contraires, les mauvais citoyens ! Sauf que les actions concrètes des gouvernants tournent plus autour de la dénonciation des partenaires traditionnels du pays, plutôt qu’à des actes de développement ou de sortie de la crise sécuritaire. Le tout parce que le pays est souverain et veut prendre son destin en main ; ses défis aussi ! Il a plus besoin d’actes que de paroles ou de professions de bonnes intentions, sans un accompagnement conséquent, dans ce contexte éprouvant de mondialisation.
Comme on le voit, les conseillers du M5-RFP et des dirigeants militaires doivent mettre à profit le temps d’osmose populaire actuel pour interroger les deux têtes de l’exécutif. Quels actes concrets sont posés, depuis six mois déjà, dans l’intérêt du peuple euphorique face aux promesses du renouveau ? Car, demain, ou après cet état de grâce, il faudra revenir… sur terre. Au Mali, non plus dans les nuages de la critique acerbe contre la France et la CEDEAO. Mais pour montrer à la France que le Mali a su mieux se gouverner sans son ingérence, en comptant sur son génie travailleur ! Pas seulement sur sa rue !
Source MaliWeb