Le Burkina Faso a encore donné des sueurs froides à la France tout au long de cet interminable premier week-end d’octobre. De rumeurs en rumeurs, de fausses nouvelles en propagande, toute la toile s’en est donné à cœur joie et a spéculé sur l’implication de la France ou de la Russie dans ce coup d’Etat.

Damiba, l’homme de Paris ?

Huit mois après le premier coup d’Etat qui a fait chuter le président élu, Roch Marc Christian Kaboré, un nouveau putschiste, Ibrahima Traoré, a sorti l’ancien Paul-Henri Damiba. Ce dernier beaucoup moins tonitruant que ces homologues guinéen et malien a toujours fait profil bas vis-à-vis de la Communauté internationale. On pouvait penser que c’est cette posture qui lui valait les bonnes grâces des institutions internationale et régionale. Car contrairement à Assimi Goïta ou Mamadi Doumbouya, le Burkina Faso de Damiba n’a jamais été sanctionné ou même seulement menacé de sanctions. Au fil des mois, la clémence de la Cedeao a fini par interroger, tout comme la visite à Ouagadougou de Jean-Philippe Rolland, chef d’état-major particulier d’Emmanuel Macron mi-septembre. Les récents voyages de Paul-Henri Damiba à Niamey et Abidjan auprès des interlocuteurs privilégiés de la France en Afrique de l’Ouest, ont fait le reste. Dans ce climat de violent rejet de la politique africaine de la France, il n’en fallait pas beaucoup plus pour déchaîner les réseaux sociaux et accuser Paris de protéger son poulain dans la base française des forces spéciales située à Kamboinsin. Ce camp étant proche de celui des forces spéciales burkinabè, dans lequel se trouvait le chef de la transition, l’amalgame a été vite fait. Les dénégations de l’ambassadeur de France à Ouagadougou, comme celles de Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères, n’y ont rien changé.  L’institut français à Bobo Dioulasso, comme l’ambassade de France ont été attaqués avec des jets de pierre et ont fait l’objet de tentatives d’incendies. 

Traoré, l’homme de Moscou ?

Symétriquement, les Russes étaient incriminés d’être à l’origine de ce coup d’Etat, d’être la main invisible de la désinformation des réseaux sociaux et de propager les fausses informations. Il est vrai néanmoins que certains des soutiens d’Ibrahima Traoré brandissaient des drapeaux russes et que les quelques figures « panafricanistes » de la toile ont rajouté de l’huile sur le feu avec méthode. Puis dans la journée de dimanche, une déclaration assez maladroite d’un porte-parole de la nouvelle junte fait état de leur « ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à nous aider dans notre lutte contre le terrorisme. » Raffermissant ainsi la conviction de tous ceux qui pensaient que Moscou était aux portes de Ouagadougou et que le groupe Wagner avait déjà fait ses bagages. Plus tard, sur France 24, le nouvel homme fort du Burkina Faso a tenté de mettre un terme à ces spéculations en déclarant : « Je sais que la France ne peut pas s’ingérer directement dans nos affaires. Si on a d’autres partenaires aujourd’hui, qui peuvent nous soutenir, ne voyez pas forcément la Russie. Les Américains sont nos partenaires actuellement, on peut avoir aussi la Russie comme partenaire, donc il ne s’agit pas de la France ou d’un problème de Russie et de Wagner. »

Tout s’est calmé lorsque le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba a annoncé sa démission, les partisans d’Ibrahim Traoré rassurés sont rentrés à la maison. Quid du réel rôle de Paris, de Moscou, à cette heure c’est encore difficile à dire, en revanche, ce qui est certain, c’est que les militaires burkinabè de chaque camp ont instrumentalisé la rivalité géopolitique.

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